A part les victimes potentielles du nuage et en particulier les malades de la thyroïde, personne ne sera inquiété en France par l'impact du passage du nuage de Tchernobyl en 1986.
En 1999 une plainte pour empoisonnement avait été classée. Elle visait les ministres en place au moment de l'accident : charité bien ordonnée commence par soi-même !
En 2001, des malades de la thyroïde, la CRIIRAD(1) et l'AFMT (Association Française des Malades de la Thyroïde) avaient porté plainte contre X pour "coups et blessures volontaires". Madame le juge d'instruction n'avait pas retenu ce motif considérant que l'on ne pouvait établir de lien direct entre l'exposition aux faibles doses considérées et les affections thyroïdiennes relevées. Elle l'avait transformée en "tromperie aggravée" : seul le Professeur Pellerin(2) restait mis en cause. Il fut mis en examen en mai 2006.
Monsieur Pellerin était le patron du Service Central de Protection contre les Rayons Ionisants (SCPRI). Il avait d'abord nié (le nuage devait sans doute s'être arrêté aux frontières de notre pays) puis minimisé les conséquences du passage du nuage sur la France : à son avis, l'élévation relative de la radioactivité était très largement inférieure aux limites réglementaires. En conséquence aucune mesure de protection ne fut prise contrairement à d'autres pays (en Italie par exemple, sur la consommation des légumes ou fruits exposés …)
Le 7 septembre 2011 un non-lieu a été prononcé par la Cour d'Appel de Paris. Et ce, malgré un rapport mettant en lumière une augmentation significative des affections thyroïdiennes après 2006 en Corse. Monsieur Pellerin n'aura plus rien à se reprocher.
Le monde politique, le lobby nucléaire, tous ont bien fait leur boulot : tout le monde en sort blanc comme neige. Responsables mais pas trop, et surtout non coupables.
Tout cela laisse un goût amer et augmente encore les suspicions à l'encontre du nucléaire. La soi-disant transparence actuelle est loin de les diminuer : ne serait-ce pas une simple posture opportuniste suite à l'accident de Fukushima ?
Ce climat de méfiance ne peut être qu'accentué par ce que l'on peut observer :
- des malfaçons dans la construction de l'EPR(3) de Flamanville,
- le panier de crabes que représentent les dirigeants d'AREVA, d'EDF avec toute la faune qui tourne autour,
- la sous-traitance de la maintenance des centrales nucléaires ainsi qu'à l'usine AREVA de La Hague. Pire, AREVA souhaiterait externaliser la production d'énergie de cette usine,
- les doutes que l'on peut avoir sur la composition de la future Commission Energie 2050 (peut-être un peu trop pro-nucléaire ?).
La liste n'est pas exhaustive, nous sommes encore loin d'une véritable transparence et d'un véritable dialogue sur les choix énergétiques qui pourtant seront nécessaires : la puissance du lobby nucléaire ne semble pas faiblir. Il y a tant d'argent et de pouvoirs en jeu.
Il y a sans aucun doute une solution entre "sortir du nucléaire" et le "tout nucléaire". Observez bien ce qui se passe en Allemagne où le nucléaire ne représente qu'environ 20 % de l'électricité produite et où son arrêt brutal semble poser quelques "petits problèmes".
(1) CRIIRAD : Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité
(2) Pierre Pellerin est né le 15 octobre 1923 à Strasbourg. Il a été professeur à la faculté de médecine Paris Descartes (1962-1992), dont il est émérite depuis 1993. Fondateur et directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), il a en outre été fondateur et directeur (de 1956 à 1992) du Centre international de référence pour la radioactivité de l'Organisation Mondiale de la Santé (1967-1995).
(3) EPR : initialement European Pressurized Reactor, puis Evolutionary Power Reactor